14 octobre 2020
Carnet / Un bout de chemin avec Le Croquant
Michel Cornaton (à droite) en compagnie du poète et romancier Jean Pérol avec son exemplaire du Croquant sous le bras. Meillonnas (Ain), maison Roger Vailland, fin des années 80. Photo © Christian Cottet-Emard
Si ma mémoire est bonne (ce qui indique qu’elle ne l’est pas tant que cela dès lors qu’on se pose la question), la dernière livraison de la revue de sciences humaines et de littérature Le Croquant que je reçus fut le numéro double 63-64 paru en 2009. Il me semble que ce fut le dernier.
Bien que moins impliqué sur la fin, j’étais encore inscrit au comité de rédaction que j’avais intégré lors de la création dès le premier numéro en 1987. Ma participation au n° 63-64 se limita à mon hommage au poète disparu Gabriel Le Gal et à une note de lecture à propos du recueil de Roland Tixier, Simples choses, paru en 2009 aux éditions Le Pont du change.
Dans la dernière période du Croquant, je m’étais un peu éloigné de la revue tout en continuant de la soutenir et d’y collaborer occasionnellement. Cela correspondait aux années 2000 dont la décennie fut pour moi marquée par de nombreux décès dans ma famille et, en 2001, par une hasardeuse reconversion professionnelle, ce qui m’éloigna aussi un temps de l’écriture et du débat d’idées. Le travail purement alimentaire a toujours constitué pour moi une entrave à mes activités littéraires et cette contrainte pesa d’une manière récurrente sur toutes mes nombreuses années de collaboration au Croquant qui était une revue exigeante au bon sens du terme.
Lorsque le fondateur, Michel Cornaton qui vient de disparaître, me téléphona un dimanche matin de 1987 pour me proposer de rejoindre le comité de rédaction, j’étais encore pour quelques années, jusqu’en 1991, journaliste au quotidien Le Progrès, ce qui signifiait que j’avais très peu de temps libre à consacrer à ce qui m’intéressait.
Dans ce quotidien qui eut par le passé ses heures honorables mais qui était déjà en pleine déliquescence au milieu des années 80, il devenait compliqué d’imposer des sujets relatifs à la culture, notamment à la littérature. Je me souviens d’un vieux secrétaire de rédaction plutôt sympathique mais un peu borné qui m’avait sermonné au téléphone : « On n’est pas les Nouvelles littéraires ! » Celui-là avait l’excuse de son âge et de sa routine mais je me souviens aussi d’un autre, guère plus âgé que moi (j’avais vingt-huit ans à l’époque) qui m’avait demandé en maugréant « où j’étais allé chercher Charles Juliet » qu’il qualifiait de « poète obscur » ! La hiérarchie de la presse étant ce qu’elle est, je dépendais de ce genre de petit chef aussi antipathique qu’insignifiant mais accroché à son minuscule pouvoir comme le pou au cheveu pour placer un papier sur un écrivain certes moins connu à l’époque mais qui eut l’avenir qu’on sait aujourd’hui.
J’eus les mêmes problèmes avec le même type de personnes pour faire accepter des articles sur Jean Pérol au moment de son Prix Mallarmé, Jean Tardieu, un des plus importants poètes français, et bien d’autres qui avaient tous des relations étroites avec le département de l’Ain voire avec Oyonnax, la ville où j’exerçais, ce qui justifiait pleinement mes articles, mes portraits et mes reportages pourtant considérés comme quasiment hors-sujets par certains de ces journaleux. C’est une des raisons qui me conduisirent à accepter la proposition de Michel Cornaton qui me promit de me donner carte blanche et qui tint sa promesse.
Ainsi qu’il le précisait lors d’un entretien avec le secrétaire de rédaction Philippe Blanca publié dans le n° 33 de la revue, « Le Croquant est une revue d’idées et une revue littéraire. Pour moi, il y a une hiérarchie : revue d’idées, ensuite revue littéraire. »
Pour répondre à ceux qui peuvent s’étonner de mon long compagnonnage avec une revue et son fondateur dont je ne partageais pourtant pas toujours les analyses et les opinions sur des événements et des sujets sensibles (Islam et 11 septembre notamment), je précise qu’en ce qui me concerne, j’ai toujours placé la littérature avant les idées.
C’est donc sur le plan essentiellement littéraire que mon activité au Croquant s’est inscrite, d’une part en fournissant des portraits d’écrivains, des entretiens avec eux accompagnés de reportages photographiques et des notes de lectures puis, d’autre part, mes propres productions sous forme de nouvelles, de poèmes, de récits et de chroniques.
J’avais trouvé au Croquant un espace accueillant et favorable à mes écrits personnels, ce dont je serai toujours reconnaissant à Michel car c’était bien lui qui se débrouillait pour me garder ma place au gré des changements de collaborateurs et de contenus ponctuant la vie de la revue. Il eut parfois probablement fort à faire en certaines périodes car je n’étais pas toujours le bienvenu auprès de quelques membres et collaborateurs qui avaient du mal à me situer puisque je ne venais pas du milieu universitaire. Ma profession de journaliste dans un quotidien de province n’arrangeait pas les choses. Pour eux, « je venais de nulle part ! » Ce mélange des genres leur déplaisait ; or c’était justement ce que recherchait Michel qui n’avait pas envie de faire une revue purement universitaire de plus.
Le pari était risqué et les écueils ne manquèrent pas. Le premier d’entre eux fut le titre (*) choisi, Le Croquant, et son symbole, le chapeau rural (coiffant parfois une petite chouette !) et le second l’origine provinciale, ce qui fit couler beaucoup d’encre peu sympathique, grincer des dentiers et ricaner les journalistes de France-Culture lorsque Roger Dadoun qui animait une émission sur cette antenne présenta la revue. Ce genre de réaction typique du petit milieu parisien de la culture, qui ne s’est pas amélioré depuis, me rendit Le Croquant encore plus sympathique et augmenta mon intérêt à travailler pour cette revue pourtant bien éloignée de ma culture politique de cette époque durant laquelle j’étais abstentionniste.
Me tenant prudemment à l’écart des débats d’idées qui pouvaient parfois se politiser lors des différentes rencontres des comités de rédaction et de lecture, je peux dire aujourd’hui que j’évoluais au Croquant en touriste, ce qui était loin de me déplaire et qui, paradoxalement, assura sans doute ma longévité au sein de cette publication pour le moins atypique.
Avant même mon entrée au comité de rédaction, mon arrivée en 1987 dans le groupe très restreint des fondateurs du Croquant survint en pleine affaire Heidegger à propos de laquelle je fus spectateur de quelques échanges informels au cours desquels je me fis tout petit. Je savais certes qui était Martin Heidegger, et ce qui lui était reproché mais je n’avais pas encore lu Être et temps. De plus, à l’exception de quelques articles concernant cette controverse, je n’avais pas lu les livres de Victor Farias (Heidegger et le nazisme) et de François Fédier (Heidegger, anatomie d’un scandale).
Les années suivantes, d’autres affaires polémiques alimentèrent les réunions et les pages du Croquant, notamment celle du foulard islamique (1989) dont j’avoue avoir largement sous-estimé la portée parce que mes vies (privée et professionnelle) étaient en ces temps très intenses. De plus, j’avais déjà une vague conscience que cette affaire du foulard tirait vers le bas notre société en l’entraînant malgré elle dans des considérations et des débats d’un autre âge mais je n’avais pas encore réalisé qu’il s’agissait des débuts d’une stratégie délibérée qu’on nomme aujourd’hui séparatiste pour éviter de désigner l’ennemi avec précision.
Ce n’est que par la suite que le malaise grandit en moi à la lecture de certains articles publiés sur ce sujet dans Le Croquant, malaise qui évolua vers la réprobation lors de la publication dans cette même revue d’autres articles et entretiens à l’occasion d’une autre affaire, celle des Versets sataniques (1988) dont l’auteur Salman Rushdie ne faisait pas l’objet du soutien inconditionnel que j’espérais.
J’estimais cependant qu’en tant que revue d’idées de haut niveau, Le Croquant ne pouvait évidemment ignorer la complexité, ce qui m’évita de claquer la porte et accessoirement de perdre une tribune à laquelle je tenais pour la publication et la diffusion de mes écrits littéraires et paralittéraires. J’avais décidé de m’en tenir à cette attitude lorsque l’actualité frappa de nouveau le 11 septembre 2001. Ma prise de distance silencieuse avec Le Croquant fut provoquée par ma désapprobation à l’encontre d’un certain nombre de réactions à mes yeux choquantes d’intellectuels, dont certains très connus et très médiatiques, à propos des attentats, le tout constituant le dossier principal du n° 33 daté de mars 2002 et intitulé Le 11 septembre 2001 ou la dérégulation du monde.
Tout en continuant mes collaborations purement littéraires, je me fis plus rare aux réunions mais le lien ne fut jamais complètement coupé. La disparition de Michel, en dehors de la peine qu’elle me cause, accentue le sentiment d’étrangeté que j’éprouve à l’égard de ma traversée en dilettante des années Croquant, cette revue peut-être mal nommée, certainement mal comprise mais dont l’ambition, la qualité, la densité, la richesse, l’ouverture et la durée en firent une belle et complexe aventure, en particulier pour moi « qui venait de nulle part » !
(*) Deux anecdotes recueillies par Philippe Blanca auprès de Michel Cornaton dans l'entretien paru dans le n° 33 (mars 2002) à propos d'une origine et d'un titre controversés :
Michel Cornaton : Le titre est l'objet d'un grand débat depuis le début. Même un écrivain populaire comme Bernard Clavel nous a dit : « Quelle calamité ! Vous appeler comme ça, c'est catastrophique, changez de nom ! Si votre revue ne portait pas un nom pareil, mon éditeur Albin Michel vous aurait acheté d'emblée 100 exemplaires du n° 2. »
Toujours à ce sujet, une anecdote reprise dans un courrier des lecteurs. Roger Dadoun anime une émission sur France-Culture. En 1988, la revue est présentée pour la première fois. Quand Roger Dadoun dit « Le Croquant » , les journalistes ont le fou rire, bien sûr. En plus, il dit, bien que cela soit faux, « à Bourg-en-Bresse » . De nouveau, gros rires. « Comment ? Une revue littéraire (c'est ainsi que nous avions été présentés), à Bourg-en-Bresse ? Qui s'appelle Le Croquant ? »
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09 octobre 2020
Hommage / Michel Cornaton (1936-2020)
Michel Cornaton devant chez lui à l'époque où il habitait Meillonnas dans l'Ain (Photo C. C-E)
Je viens d’apprendre avec une grande tristesse la disparition lundi 5 octobre de Michel Cornaton, professeur de psychologie à l'Université de Côte d'Ivoire, Abidjan (1979-1983), professeur de psychologie sociale à l'Université Lumière-Lyon II (en 1991), directeur-fondateur de la revue littéraire Le Croquant, docteur ès-lettres (psychologie), docteur en sociologie et écrivain.
J’ai eu le privilège de le connaître et de le fréquenter durant les décennies de parution de la revue Le Croquantqu’il avait fondée en 1987.
À sa demande, ce qui m’avait beaucoup surpris et flatté alors que je n’avais que vingt-huit ans, j’avais dès le début de la belle aventure du Croquant rejoint le comité de rédaction.
Les réunions chez lui à Meillonnas dans la maison Roger Vailland puis dans son grand appartement lyonnais et parfois chez des collaborateurs de la revue donnaient lieu à des échanges d’idées qui furent pour moi très formateurs.
À travers ce bref hommage simplement dicté par l’amitié (d’autres que moi sauront mieux restituer son parcours brillant et parfois atypique) je souhaite surtout évoquer l’admiration que m’inspiraient ses exceptionnelles qualités humaines, son sens de l’empathie, son attention aux plus humbles, son humour distancié et bien sûr son immense culture.
Je ne partageais certes pas toutes ses analyses et ses opinions sur certains sujets sensibles qui le sont plus encore aujourd'hui. Cependant, pour un intellectuel et un universitaire de cette stature, il avait gardé intacte en lui la fraîcheur de celui qui préfère comprendre plutôt que juger mais qui ne peut ni ne veut en aucun cas s’habituer à l’injustice.
Je n’oublierai pas ces moments de convivialité au cours desquels les discussions informelles entre les nombreux artistes, écrivains, poètes et intellectuels qu’il excellait à réunir autour de ce vin jaune, notamment le Château-Chalon qu’il appréciait et qu’il aimait partager, pouvaient révéler le meilleur de chacun.
Je m’en tiendrai là pour l’instant mais je continuerai comme je le fais de temps à autres sur ce blog à parler de Michel toujours vivant dans mon esprit et de sa revue qui fut à bien des égards, dès les premiers numéros, d’une remarquable pertinence sur de nombreux thèmes aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
Une petite partie de l'équipe de la revue Le Croquant en 1991
Au premier rang, de gauche à droite : Eva avec le chat Crapouille, Marie-Laure et Jean Tardieu. Au second rang : de gauche à droite : Christian Cottet-Emard, Fabienne et Michel Cornaton, Renée et Paul Gravillon (photo Sylvette Germain)
Michel « croqué » par l'écrivain Marin Sorescu
22:58 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel cornaton, revue le croquant, université lumière-lyon ii, université de côte d'ivoire, psychologie sociale, lyon, rhône, bourg en bresse, ain, rhône alpes auvergne, maison roger vailland, vin jaune, château chalon, littérature, poésie, blog littéraire de christian cottet-emard, hommage, jean tardieu, christian cottet-emard
25 août 2016
Michel Butor (1926-2016)
Sur mon imprévisible sentier littéraire, j’interprète encore aujourd’hui ma rencontre avec Michel Butor comme un encouragement, un signe de piste serais-je tenté d’écrire, en parallèle avec le jeu hasardeux (?) de publications où j’eus la chance de voisiner avec lui. Ce fut d’abord dans le livre Léman expressions sans rivages (éditions de la Manufacture) puis dans l’anthologie Entrée de secours, d’un siècle à l’autre, 53 poètes (éditions La Fontaine de Siloé).
En ce printemps 1993, je n’avais conservé de mes activités de presse qu’une collaboration pour la revue Le Croquant et la visite de l’écrivain au centre culturel Aragon d’Oyonnax m’offrit l’occasion d’un entretien. J’en sortis tout ragaillardi par l’immense et sereine érudition de cet homme attentif et chaleureux après un de ces hivers qui vous grignotent le moral d’un sévère aquoibonisme, la maladie des provinces enclavées.
Quant à mes craintes de tomber sur un froid théoricien du Nouveau Roman, elles s’étaient déjà dissipées depuis que j’avais découvert que le Nouveau Roman ne fut jamais une école et encore moins une théorie. La lecture de La Modification, à la fin de mon adolescence, puis, bien plus tard d’un étrange livre-objet intitulé Cinq rouleaux de printemps (Arches éditions) vint me confirmer qu’avec Michel Butor, on n’était jamais en panne de surprises.
Ce mot, surprise, ne vient d’ailleurs pas sur mon clavier par hasard tant ces fameux rouleaux de printemps en revêtent l’aspect dans leur emballage de carton et de papier. L’ouvrage se présente sous la forme d’une grande boîte dans laquelle viennent s’aligner, comme des cigares, cinq feuilles enroulées. Le texte manuscrit est imprimé en bleu, vert, marron, noir et rouge, soit une couleur par rouleau. Je tiens aussi à souligner sans chauvinisme que cette surprise d’édition poétique fut conçue et imprimée à Oyonnax en 1984 sur une initiative on ne peut plus privée de Georges Béjean ancien censeur (on disait ainsi à l’époque) du lycée Paul Painlevé. En opportuniste éhonté, je ne me privai pas de demander à Michel Butor d’inscrire une dédicace dans la boîte, en souvenir de cet inespéré 19 mars 1993 !
Les livres de Michel Butor se prêtent mal aux notes de lecture, aux comptes-rendus, aux critiques, car tout s’y organise selon une logique qui échappe aux cadres habituels du récit, de la narration, de la description. De prime abord, s’impose à travers les multiples publications de l’auteur de L’Emploi du temps une image de morcellement. Mais il suffit de lire ou d’écouter parler Michel Butor pour constater que cette apparente dispersion n’est que l’écho ou le reflet des vieux verrous qui sautent entre les cellules des différentes disciplines et pratiques artistiques.
Michel Butor est véritablement de ces écrivains qui joignent le geste à la parole : on ne compte plus ses collaborations avec les peintres et plasticiens (Marc Pessin, Gregory Masurovsky...), avec les compositeurs (Henri Pousseur), voire avec les éditeurs eux-mêmes lorsqu’ils œuvrent dans la fabrication d’autres objets de lecture que le livre (coffrets, emboîtages, mobiles, rouleaux...).
Cette désorientation que peut éprouver le lecteur désireux d’entrer dans l’oeuvre de Michel Butor cède vite la place, pour peu qu’il veuille bien accepter quelques changements dans ses habitudes de lecture, à l’approche vers une quête d’unité de savoir. Transit A -Transit B qui s’inscrit dans la série Le Génie du lieu (éditions Gallimard), fondamentalement livre de voyage souligne l’auteur, livre que l’on peut manipuler, faire tourner, dans lequel on peut véritablement se promener, en est un bon exemple.
Notes :
- Mon dossier consacré à Michel Butor (avec photo, entretien et extraits de Cinq rouleaux de printemps) a été publié dans la revue Le Croquant n°15 (printemps -
été 1994).
- Poèmes de Michel Butor dans la revue Salmigondis n°9 (452, route d'Attignat, 01310 Polliat).
Photos :
- Michel Butor en dédicace au centre culturel Aragon d'Oyonnax en 1993 (photo Ch. Cottet-Emard).
- Cinq rouleaux de printemps éditions Arches, Oyonnax.
- Michel Butor au centre culturel Aragon d'Oyonnax en 1993 en compagnie des artistes Marc Pessin (à gauche de la photo) et Gregory Masurovsky (photo Ch. Cottet-Emard)
10:28 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel butor, christian cottet-emard, gregory masurovsky, marc pessin, blog littéraire de christian cottet-emard, hommage, témoignage, rencontre, centre culturel aragon d'oyonnax, ain, rhône-alpes auvergne, bugey, culture, oyonnax, france, la modification, nouveau roman, cinq rouleaux de printemps, transit a transit b, le génie du lieu, l'emploi du temps, entrée de secours d'un siècle à l'autre, léman expressions sans rivages, georges béjean, lycée paul painlevé d'oyonnax, arches éditions, revue le croquant, le croquant n°15, salle gustave miklos